15.9.06

ALAIN : UN PHILOSOPHE EN GUERRE

Du 7 octobre 2006 au 12 mai 2007, Ciné-Philo vous propose, un samedi sur deux, de plonger dans l’œuvre des philosophes en s’appuyant sur leurs textes et sur des extraits de films. Octobre et novembre seront consacrés à Alain. Puis viendront Spinoza, Descartes, Hegel, et Deleuze. Les séances sont animées par Ollivier Pourriol.

« Si je déshabille un général, je trouve un homme ; et quand je le disséquerais, et quand nous serions mille fois plus savants que nous ne sommes, je suis sûr que nous ne trouverons en sa structure aucune fibre, ni aucune bosse, ni aucun composé chimique, qui soient spécialement militaires. En cet animal étalé ici et ouvert comme un livre sur la planche à disséquer, j’aperçois le mécanisme de la peur, qui consiste en ceci que tous les muscles, à la première alerte, se tendent, se contrarient, renvoient le sang au ventre, étranglent la vie. »

Si Platon comparait la dialectique à l’art de découper le poulet selon ses articulations, Alain invente pour sa part la dissection du général. Cette analyse au sens fort, cette mise à nu du mécanisme est sans complaisance. L’homme a fait la guerre, et on le sent, a subi les officiers. Mais ce n’est pas qu’un homme en colère qui s’exprime ici, ce n’est pas qu’un « soldat mécontent », comme l’appellera un de ses amis quelques années après l’armistice de 1918, c’est un philosophe en colère, qui appelle Descartes à la rescousse, et use du Traité des Passions comme d’une arme, contre l’hypothèse absurde mais tenace d’une qualité occulte, qui prédisposerait certains hommes à faire la guerre, de même que certains hommes seraient doués de quelque compétence innée en matière politique.

La vérité nue est bien plus simple : l’homme, dès qu’il entre dans une fonction de commandement, est mécaniquement conduit, par la structure de son corps, et par les passions qui s’ensuivent, à faire la guerre. Naïvement, dans la lignée de celui qu’il appelle le « divin Platon », Alain dit qu’on pourrait vouloir mettre sur le trône les plus sages. Mais le plus sage, dès qu’il est monté sur le trône, répond à cet autre adage platonicien, selon lequel « le pouvoir corrompt », et devient Louis XIV, c’est-à-dire fat et sot, comme il convient à la fonction. Le chef, dit Alain, est méchant par nature. « Je suis persuadé, écrit-il, qu’il y eut des moments où Alexandre, César ou Napoléon furent bêtes comme j’ai toujours juré de ne l’être pas. Telle est l’histoire sommaire de mes ambitions. » Les philosophes ne veulent pas être rois, telle est leur ambition. Telle est leur guerre.

Ciné-Philo saison 2 "Les philosophes au cinéma"

Après avoir exploré un thème par séance (« Violence du cinéma », « Cinéma et perception », « Surveiller et punir, etc.), Ciné-Philo propose pour l’année 2006-2007 cinq cycles de conférences consacrées à des philosophes majeurs, à raison de trois ou quatre séances par auteur.

Ciné-Philo procède par libres allers-retours entre textes, analyses et extraits de films. En branchant ainsi le cinéma sur la philosophie, le but est de faire naître par court-circuit des éclairs de pensée, d’introduire à la philosophie par le cinéma, et d’approfondir la perception du cinéma grâce à la philosophie.

Chaque séance se penche sur une œuvre ou un problème, tout en s’inscrivant dans une continuité permettant de se familiariser avec le style propre à chaque philosophe. La progression de l’ensemble est organisée à partir d’Alain et des ouvrages d’initiation qu’il a consacrés à Spinoza, Descartes et Hegel, dont la lecture est possible en parallèle aux séances. On n’invente qu’à la pointe d’une tradition admirée et comprise, tel est le principe qui a guidé ce parcours, s’achevant avec Deleuze.

Le cinéma pense, mais c’est une pensée automatique, qui associe et enchaîne les idées dans notre esprit. On pourrait dire : en nous, sans nous. Le cinéma est un tissu de raisonnements implicites. On sent que ça nous fait penser, on ne sait pas toujours quoi. Pour que ce qui arrive en nous ne se passe pas sans nous, Ciné-Philo met à disposition des spectateurs les outils que les philosophes nous offrent pour garder les yeux ouverts.

La deuxième saison de Ciné-Philo se déroulera au MK2 Bibliothèque, un samedi sur deux, de 11h à 12h45, du 7 octobre 2006 au 12 mai 2007.

Les séances sont animées par Ollivier Pourriol, normalien, agrégé de philosophie, écrivain (Alain, le grand voleur, inédit Livre de Poche, septembre 2006 ; Polaroïde, Grasset 2006 ; Le peintre au couteau, Grasset 2005 ; Mephisto Valse, Grasset 2001).


Alain, le grand voleur
07/10/2006 Mars ou la guerre jugée
21/10/2006 Propos sur les pouvoirs
04/11/2006 Propos sur l’éducation
18/11/2006 Système des Beaux-Arts

Spinoza, les yeux de l’âme
02/12/2006 La spirale des passions
16/12/2006 Le clair objet du désir
13/01/2007 L’expérience de l’éternité

Descartes, la liberté heureuse
27/01/2007 Je n’est pas un autre.
03/02/2007 Que choisir ?
17/02/2007 La générosité

Hegel, la Raison à cheval
31/03/2007 L’inhumain
21/04/2007 La fin de l’histoire

05/05/2007 Ciné-Philo spécial Présidentielles